• Ma première Journée avec le Grettis

     

    Mes deux  premiers rendez-vous avec le Grettis ont donc lieu un même jour en février 2012. 5 ans avant ma vaginoplastie, l’aboutissement, le Graal de ce parcours avec cette équipe. Mais aussi la seule raison qui me pousse/m’oblige à les voir. Entre temps des accidents, des souffrances, des dépressions, des hésitations, des colères, des frustrations, des détresses…

     

    Après une nuit bien blanche je pars en voyage pour me rendre à l’hôpital, lieu de ces rendez-vous, ce 12 février 2012. Il fait froid c’est l’hiver et je n’ai pas dormi. Comme dit Lola Lafon «la vie commence quand on sent le froid du matin et qu’on n’a pas sommeil, elle recommence ». J’étais trop excitée et trop stressée pour dormir, j’allais enfin rencontré ces « sages » qui allait décider si j’étais bien selon elleux une femme et si oui m’accorderaient leur immense pouvoir de faire de moi une « fille » une « femme », comme si il n’aillait pas seulement m’opérer le corps et le sexe mais aussi me rendre intérieurement complétement une femme. Faire de moi une femme corps et âme, supprimer tuer tout ce qui dépasse de masculin là-dedans. Devenir une femme aux yeux malsains de cette société malsaine.

     

     

     

    Le matin de ce voyage-là, après le RER, le TGV, un premier bus, vite une place énorme que je ne connais pas et que je dois traverser en courant pour attraper un deuxième bus qui m’échappe de cette grosse ville que je ne connais pas. J’ai l’impression d’être partie si loin dans l’inconnue que je ne suis plus en France, mais dans un pays étranger mais qui parle étrangement là même langue. Je m’étonne même de voir toujours du français sur les panneaux de circulation. J’ai besoin de respirer et de me poser. Heureusement le bus me conduit dans une belle banlieue verdoyante et collinaire sur les hauteurs de la ville. Les grands pins me donnent l’impression que je viens de franchir la frontière du Sud ! (jeune parisienne que je suis). Enfin au détour d’un rond-point je découvre pour la première fois le campus et l’hôpital où je crois alors que c’est ici que se passe les merveilleuses et incroyables opérations de changement de sexe qui changent nos vies, qui nous changent nous, nos identité-s..

    D’ailleurs d’un couloir de l’hôpital on voit un passage souterrain étrange qui mène je ne sais où. Puis de la salle d’attente à l’étage on aperçoit une sorte de grande cabane isolée, petit pavillon semi abandonné semi mystérieux où je me plais à imagine que c’est là que le grand Morel-Journel fait ses opérations, après avoir emmené le-la patient-e par l’étrange souterrain.

    C’est dans cette petite salle d’attente à l’étage qu’on rencontre une fois sur deux d’autres trans qui comme nous attendent avec impatience et inquiétude de savoir si aux yeux des médecins « spécialisé-e-s » et « spécialistes » on est bien une femme ou un homme normal-e dans le mauvais corps, si surtout on est jugé-e bien apte à cette chirurgie « réparatrice »  et si alors nos mauvais corps pourront être modifiés pour être plus conformes, acceptables dans la tête des gentes, surtout dans la tête de celleux qui couchent avec nous mais aussi dans celleux des juges qui décideront de notre identité, ou encore celleux de nos actuels/futurs employeurs-euses… Tout ces gentes qui se permettront de nous poser la question du quoi entre nos jambes, ou qui se la poseront à elleux-mêmes.

    Malheureusement les consultations avec ces dits grand médecins n’ont rien de spectaculaires mais tout de banales. On peut tomber de haut. Ces entretiens sont mêmes tristement banales et décevantes. Celui qu’on appelle avec une amie le « fou » toujours en blouse blanche (le pyjama pour nous) me pose à moi toujours les mêmes questions à chaque fois « et vous avez combien de frères et sœurs ? » au cas où si ça changerait entre chaque consulte, et si ça justifiait ou non la vaginoplastie. 1 frère et 1 sœur hum ça passe. 2 frères non c’est trop, ça ne répond pas dans nos schémas de la transsexuelle exemplaire. On parle même de Cergy (ma ville de banlieue). Les consultations avec le Dr Leriche et le Dr Lamotte sont un peu plus intéressantes mais restent aussi très frustrantes et certaines questions très déplacées : « Vous vous masturbez souvent ? » et « Comment ? ». Cela me donne plus l’impression d’être dans une thérapie de réajustement sexuel et non de réassignation sexuelle.

    Heureusement ce jour de premier rendez-vous mon amie lyonnaise l’a rendu heureux. Après m’avoir dit qu’elle ne pourrait pas me voir parce qu’elle travaillait ce jour-là, elle m’a fait la surprise de m’attendre à la sortie de l’hôpital, entre mon premier rendez-vous en matinée et celui de l’après-midi. J’ai alors pu me reposer et rassurée dans ses bras. On a mangé ensemble puis elle m’a fait visité le centre-ville de Lyon et ce fameux piton rocheux (c’est comme ça que j’appelle Fourvière). A la suite du deuxième rendez-vous j’ai même fini dans son lit pour des câlins. A bien m’en souvenir c’était en faites la possibilité de la voir là-bas qui m’avait empêchée de dormir la veille, et pas seulement et tellement celle de découvrir le Grettis.

    Pour moi c’était une petite aventure extraordinaire. C’était un jour où je n’allais pas machinalement à la fac pour « faire quelque chose de ma vie ». Oui c’était une aventure d’un jour, une fuite d’un quotidien morose voir insupportable, où je jouais encore à l’époque à faire le garçon. De là où j’étais je pouvais envoyer se faire foutre tout ça. Rien que pour ces heures passées avec mon amie j’aimerais revivre cette journée des dizaines de fois. Je pense que je n’oublierais jamais cette journée pour ça. De ça je ne me console.

     


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